«RIE III est une immense opportunité pour Genève.» L’avocat fiscaliste Xavier Oberson estime que son métier n’a jamais été aussi compliqué

(02/05/16)

Tribune de Genève

Les Associés des études d’avocats Oberson et Abels ont uni leurs forces pour créer une nouvelle étude, qui occupe tout un immeuble au centre-ville, Oberson Abels SA, dans un contexte de réforme de l’imposition des entreprises et de criminalisation de la fiscalité. Entretien avec Xavier Oberson, un de ses associés.

Pourquoi créer une nouvelle étude?

Le droit fiscal est toujours plus pointu. Nos clients ont des problèmes fiscaux qui se mêlent toujours plus à d’autres problèmes, de droits bancaires, boursiers, commerciaux notamment. De nombreuses études se rapprochent pour des raisons similaires, elles sont plus grandes et offrent une palette de services plus larges. D’autres choisissent de se spécialiser sur des niches, quitte à travailler en réseau avec d’autres études.

Pensez-vous que la formation des avocats doit s’adapter?

La tendance est plutôt à la spécialisation, puis au regroupement de gens experts dans certains domaines. Par exemple, certains de mes collègues ne font que de la TVA, ou se concentrent plus sur des questions de fiscalité des entreprises (RIE III), échange de renseignements ou imposition de la famille. Tous ces chantiers arrivent presque en même temps et ils sont chacun très complexes. En plus, la fiscalité est de plus en plus criminalisée.

Criminalisée?

La pression internationale a poussé la Suisse, comme d’autres pays, à la criminaliser la fraude fiscale. En Suisse, elle est désormais passible d’emprisonnement quand elle s’accompagne de faux documents, et peut conduire à des perquisitions par l’administration fiscale. Depuis le 1er janvier 2016, l’infraction pénale de blanchiment de fraude fiscale, au sens du droit suisse, s’applique à tout le monde. Et cela va devenir plus sévère encore dans les prochaines années. L’avocat fiscaliste est désormais moins fiscaliste et plus avocat. Il est amené à défendre des clients devant les Tribunaux.

Que révèlent selon vous les Panama Papers dans ce cadre?

Ils mettent au grand jour des schémas d’évasion fiscale qui se sont sans doute pratiqués dans le passé. A lire la presse, les fichiers du cabinet Mossack Fonseca remonteraient à décembre dernier, mais j’imagine qu’ils portent surtout sur des opérations qui datent d’avant la dernière décennie. En 2003 déjà, un arrêt du Tribunal fédéral a jugé que les sociétés offshore gérées depuis la Suisse sont juridiquement considérées comme des sociétés suisses. De plus, l’échange de renseignements se développe et la pression sur la fiscalité des multinationales augmente. L’OCDE combat ce qu’elle appelle l’«optimisation fiscale agressive». Les fuites, comme celles des Panama Papers, constituent une autre source de pression tendant à remettre en cause les montages fiscaux agressifs.

Comment définir «optimisation fiscale agressive»?

On pourrait consacrer une thèse de doctorat à cette question. Une définition praticable consisterait à viser la planification qui serait artificielle, c’est-à-dire ne reposant sur aucune considération économique objective et aucune substance réelle.

Vous avez fait allusion à RIE III, la troisième réforme de l’imposition des entreprises. Comment la considérez-vous?

Comme une immense opportunité pour la Suisse et Genève. Il s’agit du plus grand chantier de la fiscalité suisse sur ces cinquante dernières années. Elle modifie de fond en comble la fiscalité des entreprises, en supprimant les statuts spéciaux et en la rendant plus simple. Je suis convaincu qu’avec un taux à 13%, plus de PME et de multinationales vont venir. Ce taux amènera de la clarté dans un contexte où les autres avantages de la Suisse demeurent, notamment en matière de sécurité du droit.

A un jeune qui cherche un emploi dans un secteur où l’on est sûr d’en trouver, recommanderiez-vous celui d’avocat?

Le marché des avocats est énorme, notamment des fiscalistes. L’UNIGE a un nouveau programme, LLMTax, qui répond à un besoin important. Les avocats fiscalistes sont de plus en plus recherchés par les banques, cabinets d’audit, fiduciaires, multinationales. Les contentieux fiscaux internationaux vont se développer car les règles sont floues et la mise en œuvre des règles de l’OCDE pour lutter contre la planification fiscale agressive va provoquer à mon avis de multiples doubles impositions. A ce jour, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) arbitre les litiges commerciaux internationaux, mais il n’existe rien de tel pour la fiscalité. Cela dit, certaines personnes ont déjà proposé la création d’une organisation mondiale en matière de taxe. Une sorte d’OMT.

(TDG)

Richard Etienne